Le processus créateur, un texte de Claude Simon
- At janvier 26, 2014
- By Françoise
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Je ne connais pour ma part d’autres sentiers de la création que ceux ouverts pas à pas, c’est-à-dire mot après mot, par le cheminement même de l’écriture.
Avant que je me mette à tracer des signes sur le papier il n’y a rien, sauf un magma informe de sensations plus ou moins confuses, de souvenirs plus ou moins confus, accumulés et un vague – très vague – projet. C’est en écrivant que quelque chose se produit dans tous les sens du terme. Ce qu’il y a pour moi de fascinant, c’est que ce quelque chose est infiniment plus riche que ce que je me proposais de faire.
Il semble donc que la feuille blanche et l’écriture jouent un rôle au moins aussi important que mes intentions, comme si la lenteur de l’acte matériel d’écrire était nécessaire pour que les images aient le temps de venir s’amasser (cependant, parfois, celles-ci arrivent plus vite, et je suis obligé de m’interrompre pour les noter rapidement en marge). Ou peut être ai-je besoin de voir les mots, comme épinglés, présents, et dans l’impossibilité de m’échapper ?…
Les mots sont autant de carrefours où plusieurs routes s’entrecroisent. Et si, plutôt que de vouloir traverser rapidement ces carrefours, en ayant déjà décidé du chemin à suivre, on s’arrête et on examine ce qui apparaît à leur lueur ou dans les perspectives ouvertes, des ensembles insoupçonnés de résonnances et d’échos se révèlent.
Claude Simon, prix Nobel de littérature en 1985
Début de la Préface manuscrite d’Orion aveugle (Skira, Les sentiers de la création, 1970)
Ce texte a été repris et développé ensuite dans Les Corps conducteurs parus en 1971 aux éditions de Minuit
Citations de peintres et d’écrivains sur l’art
- At décembre 27, 2013
- By Françoise
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» Un matin, l’un de nous, manquant de noir, se servit de bleu : l’impressionnisme était né. » Auguste RENOIR
« Il faut toujours dessiner, dessiner des yeux quand on ne peut dessiner avec le crayon. » INGRES
« N’ayez d’yeux d’abord que pour l’ensemble(…)Les détails sont des petits importants qu’il faut mettre à la raison. La forme large et encore large. » INGRES
« Si vous prenez une règle pour faire un carré, il meurt. » Serge POLIAKOFF
« Si tu prends un oeuf, c’est une forme plastique. La vie se sent dans la matière de la coquille. Si tu prends un faux oeuf, la forme est la même, mais la fausse coquille ne donne pas une impression de vie » Serge POLIAKOFF.
» L’art est dans le regard et non dans la chose regardée » André GIDE.
« Il y a des peintres qui transforment le soleil en une tache jaune, mais il y en a d’autres qui, grâce à leur art et à leur intelligence, transforment une tache jaune en soleil » PICASSO.
« C’est ainsi, le tableau doit venir de lui même. Tous les élans volontaristes sont absolument inutiles et toute l’expérience accumulée en cinquante ans ne sert à rien si le tableau ne « vient » pas. » Julius BISSIER
« En conséquence, à 86 ans, j’aurai pénétré plus avant dans l’essence de l’art. A cent ans, j’aurai définitivement atteint un niveau merveilleux et, quand j’aurai cent dix ans je tracerai une ligne et ce sera la vie. » HOKUSAI (1760-1849)
« Je voudrais des prairies teintes en rouge et les arbres peints en bleu. La nature n’a pas d’imagination » BAUDELAIRE – Curiosités esthétiques
« Toi peintre (…)regarde tes palettes et les chiffons, les clefs que tu cherches y sont. DUBUFFET
« Je préfère peindre des yeux humains plutôt que des cathédrales, si majestueuses et si imposantes soient-elles –l’âme d’un être humain- même les yeux d’un pitoyable gueux ou d’une fille du trottoir sont plus intéressants à mes yeux . » Vincent VAN GOGH (1853-1890)
« La couleur me possède. Je n’ai plus besoin de la rechercher. Elle me possède à jamais, je le sais. Voici ce que signifie ce moment heureux : moi et la couleur, nous ne formons qu’un. Je suis peintre. » Paul KLEE (1879-1940)
« Rien n’est beau comme deux variétés de la même couleur à côté l’une de l’autre. DEGAS
« Il faut refaire dix fois, cent fois le même sujet. Rien en art ne doit ressembler à un accident, même le mouvement. » DEGAS
« Je trace d’abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux, fait d’angles droits, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire. »Leon-Battista ALBERTI-De pictura 1435
« L’espace pictural est un mur mais tous les oiseaux du monde y volent librement. » Nicolas de STAEL
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Liste de matériel peinture
- At décembre 27, 2013
- By Françoise
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INDISPENSABLE
1) Palette papier A4 ou A3………………………….
2) Pinces à dessin et scotch blanc pour fixer
3) Couleurs acryliques Liquitex extra fine 60ml ou Liquitex basic
– ne pas mélanger basics et extra-fine, vous fusillez les extra-fines !!
– vous devez racheter ces 5 couleurs de base si elles sont manquantes
Bleu outremer nuance rouge S1A
Bleu de phtalocyanine nuance verte S1A
Jaune de cadmium clair S3
Rouge magenta foncé S3
Rouge de cadmium moyen imitation S3
Gros tube Blanc Liquitex 207ml
-ajoutez les complémentaires pour rompre les couleurs
Vert de phtalocyanine ou vert émeraude
Orange de cadmium
4) Brosses et pinceaux de qualité (marque MANET, RAPHAEL, DA VINCI)
a) Spalter soie de porc 40 mm de large pour fonds
b) Brosses plates soie de porc, manche long, largeur 10/12mm, 20/25mm
c) Pinceau à colle
d) Pinceau à rechampir
e) Couteau (suggestion couteau Sennelier 1000)
5) pour mises en place dessin
a) fusain buisson 6/8mm de diamètre
b) crayon mine graphite 4B
c) feutre indélébile noir fin mais pas trop, (pas de pointe tubulaire, trop fragile)
d) gomme mie de pain
e) règle, ciseaux, cutter
A RECUPERER
6) chiffons coton
7) pots à eau
8) cartes plastiques (carte de crédits, etc…)
9) matériel pour empreintes, grattage, pochoir, impression, collages
10) pastels gras, neocolor, craypas, feutres couleurs
POUR LE PLAISIR
Peintures acryliques
a) Rouge de cadmium moyen S4
b) Bleu de cobalt S5
c) Bleu de Prusse
d) Jaune de cadmium moyen
e) Jaune de Mars (ocre jaune)
f) Terre de sienne brûlée S1
g) Terre de Sienne Naturelle S1
h) Rouge de mars S1
i) Violet
Brosses et pinceaux
j) Spalter 30……………………………………….
k) Spalter 40……………………………………….
l) Spalter 50……………………………………….
m) Spalter 60……………………………………….
n) Brosse U/B Manet (soie de porc)
o) Brosse U/B Raphaël (mangouste)
p) Brosse ronde Raphaël (mangouste) n°10
q) Brosse ronde synthétique Da Vinci
liste de matériel pour le croquis et l’aquarelle
- At décembre 27, 2013
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DESSIN
- Fusain 6mm
- Crayon mine graphite HB, 4B
- Gomme mie de pain
- Crayon pierre noire 3B
- Feutre noir indélébile fin (pas de pointe tubulaire) (lumocolor ou staedler)
- Carnet de croquis 110 gr relié (maximum format A4)
- Encre de chine
- Encre sennelier (sepia)
- Bambou
- Porte-plume et plumes Sergent Major
AQUARELLE
- Pinceau petit gris Raphaël 803 n°3 ou équivalent (winsor et newton, Léonard)
- Pinceau Raphael 916 N°12 pinceau plat en petit-gris
- Palette plastique pliante (dite palette à gouache)
- Buvard blanc
- Eponge naturelle
- Encre de chine Talens
- Néocolor gras blanc
- Drawing gum 45ml
- Palette à godet céramique fleur
- sopalin
AQUARELLES extra fines WINSOR ET NEWTON
(autres marques de très bonnes qualité : ROWNEY, SCHMINCKE, SENNELIER)
Les 5 couleurs de bases
- Bleu winsor S1
- Bleu outremer français S2.
- Alizarine cramoisi S1
- Rouge winsor S1
- Jaune winsor S1
Les complémentaires
- Vert de Hooker S1
- Violet Winsor S1
- OrangeWinsor S1
Les terres
- terre sienne brûlée S1
- terre sienne naturelle S1
- terre d’ombre naturelle S1
- terre d’ombre brulée S1
- ocre jaune S1
- terre verte S1
Les cadmiums
- jaune de cadmium citron S4
- jaunes de cadmium clair S4
- jaune de cadmium S4
- jaune de cadmium foncé S4
- Orange de cadmium S4
- Rouge de cadmium S4
- Rouge de cadmium foncé S4
Des couleurs à essayer:
- Bleu de prusse S1
- Bleu indanthrene S3
- Bleu de ceruleum S3
- Bleu cobalt S5
- Cobalt turquoise S4
- vert olive S1
- vert doré S2
- vert de vessie S1
- rose doré quinacridone S4
- aureolin S4
- gomme-gutte S3
- rouge anglais S1 (terre)
- violet caput mortem (terre)
- indigo S1
- gris de payne S1
Rêverie d’un chasseur d’images. Willy Ronis
- At décembre 26, 2013
- By Françoise
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Rêveries d’un chasseur d’images
Le décor représente un jardin, par un bel après-midi de juin, après un agréable déjeuner en compagnie d’un groupe d’amis. C’est l’heure de la détente ; les conversations se sont calmées. Je me balance mollement sur les parties postérieures de ma chaise. Les yeux presque fermés sur le monde extérieur, mes cils forment les faisceaux et déterminent un agréable flou très favorable à un ronron méditatif. L’inséparable outil pendu au dossier de la chaise oscille doucement au bout de sa courroie.
Tout à coup, l’un de mes compagnons m’interpelle et, le doigt pointé derrière moi : « Ohé, artilleur, à ta pièce !… ». Un peu bougon, mais automatiquement mis en éveil par cette injonction annonciatrice – qui sait ? – d’une occasion unique, je fais taire le Sancho Pança qui me retient sur les pentes fleuries de la sieste, et l’autre moitié de moi-même, Don Quichotte impénitent, écarquille les yeux dans la direction indiquée. Et je vois, à cinq mètres de moi deux chats, la mère et son petit, en train de jouer adorablement au soleil … « Mais qu’est-ce que tu attends ? », hurle tout bas le charmant ami, qui se voit déjà collant dans son album le 18×24 que je ne manquerai pas de lui offrir en reconnaissance de sa sollicitude. Au bout de quelques secondes de contemplation (c’est joli des chats qui jouent), je rabaisse mes stores oculaires sans répondre et l’ami, dépité, grommelle que, décidément, s’il était photographe, lui …
Ce que je n’ai pas le courage de lui expliquer – il fait si bon somnoler à l’ombre des grands arbres bruissant sous la brise – je me le raconte mentalement une fois de plus. Et voilà mon monologue intérieur …
*
J’imagine que ma main descende vers l’appareil suspendu au dossier de ma chaise et je me vois ouvrant, en me levant avec précaution, mon sac toujours prêt, puis le capuchon de mon viseur. Je m’avance doucement sur le gravier crissant en supputant la vitesse d’obturation la mieux propre à assurer à la fois un temps de pose juste et l’arrêt du mouvement, tout en permettant une ouverture de diaphragme donnant une profondeur de champ correcte.
A ce stade de mon travail (présumé), il est plausible que j’aie fait par mégarde assez de bruit pour que ces charmantes bestioles escaladent la treille et s’en aillent batifoler à l’abri des fâcheux. Je suppose néanmoins que je sois parvenu près de mes petits personnages sans que ma présence les ait émus et que, techniquement, toutes les conditions opératoires soient favorables. Mais voilà, mes chats jouent au milieu de débris de caisses, de cannettes vides et de vieux fers rouillés. Ce qui avait charmé les yeux de mon ami, c’était deux chats jouant au soleil. Il n’avait vu que cela et rien d’autre. Les détails mêmes du lieu de cette scène, le décor immédiat et le fond, il en faisait inconsciemment abstraction, il ne les avait pas vus.
Or, le cliché, lui, enregistre tout, le principal et l’accessoire. Si je photographie cette scène telle quelle, les formes dures à contours nets et fortement accusés des objets que je viens d’énumérer frapperont l’œil beaucoup plus que les formes estompées, sombres et douces de mes petits chats et distrairont désastreusement l’œil du « lecteur » de la photo. Résultat : un beau ratage avec, pour seul avantage, que mon ami, à la vue du contact, ne réclamera sûrement pas le 18×24 escompté.
Nous touchons ici du doigt une des difficultés majeures de la chasse aux images. S’il ne s’agissait que de cultiver la promptitude du réflexe et conjuguer cette promptitude avec la réalisation rapide des trois réglages classiques : temps de pose ? diaphragme – mise au point ! Mais une image ne peut être considérée comme réussie – que cette image soit dessinée, gravée, peinte … ou issue d’un négatif photo – que si elle satisfait à des lois de construction que certains êtres doués observent d’ailleurs d’instinct sans en connaître la lettre, mais qu’on ne peut enfreindre impunément sans échouer dans son entreprise. Et ceci nous amène à préciser toute la différence qui sépare la vision disons naturelle du monde extérieur, de sa vision photographique.
Lorsque vos yeux regardent une scène, ils ne sont que les auxiliaires dociles de votre cerveau. Ce qui vous frappe dans cette scène captive assez votre esprit pour que vous négligiez tout le reste. Par exemple vous interpellez une personne dans un groupe d’amis et cette personne vous répond par une grimace qui égaye tout le monde. Vous ne voyez que la grimace et si elle est réussie, vous riez sans contrainte. Rien, à vos yeux, n’est venu amortir le comique de la situation. Mais si vous photographiez en même temps cette scène, vous obtiendrez, neuf fois sur dix, une aimable « photo d’amateur » qui ne traduira que de très loin l’émotion originelle. Parce que, par exemple, deux ou trois personnes du groupe auront regardé vers l’objectif plutôt que vers l’auteur de la grimace. Le charme sera rompu. Ce que vous voyez qui ne va pas sur la photo, vous ne l’aviez pas vu sur le vif, parce qu’alors vous ne pouviez pas le voir.
En réalité – et c’est déjà une explication optique du phénomène – l’angle de champ utile de l’œil est infiniment plus étroit que celui d’un objectif photo, bien qu’apparemment, lorsque vous êtes au théâtre, vous ayez l’impression d’embrasser toute la scène à la fois (vous oubliez seulement que votre regard saute constamment d’un point à un autre). Ensuite – et c’est alors l’explication psychologique – si un détail même infime importe à vos yeux plus que tout le reste, votre esprit opère une véritable polarisation sur ce détail et efface littéralement tout ce qui n’est pas lui. Ces deux explications se complètent (il y en a d’autres encore !).
La photo ignore tout cela. Les 45° (environ) de votre champ absorbent gloutonnement, pêle-mêle, tout ce qu’ils peuvent embrasser – et souvent fort mal étreindre – entre les extrêmes rigides de leur angle bien ouvert. Je sais bien que nous pouvons appeler à notre secours la bienheureuse infirmité de notre art que constitue le manque de profondeur de champ aux grandes ouvertures. On peut même hasarder une loi psycho-physique de la vision photographique d’une image en disant que deux plans se « décollent » en raison directe de leur différence de netteté. Ainsi, si je travaille à forte ouverture, seul le sujet intéressant sera net et je pourrai dans une certaine mesure obtenir cette polarisation de l’intérêt sur le point fort de l’image.
Mais c’est encore bien relatif. Car l’univers sensible, avec ses trois dimensions, est aplati selon les deux dimensions de mon épreuve. Or, sur tous les points de cette surface nos yeux accommodent également, que ces points soient nets ou flous. Et si, par exemple, (pour nous reporter au cas évoqué tout à l’heure), un groupe pris sur le vif comporte une ou deux personnes qui regardent vers l’objectif – sans que rien dans le contenu de la scène ne le justifie – même si ces personnes sont floues, elles n’en existent pas moins et chaque fois que nous aurons cette photo sous les yeux, nous serons invinciblement attirés par leur regard directement dirigé sur nous, au détriment du sujet principal qui avait motivé la prise de cette photo.
Après une certaine pratique de la chasse aux images, vous parviendrez à capter d’un seul coup d’œil le sujet central et ses alentours, et à déclencher au moment précis où aucune note discordante ne viendra affaiblir son message.
Ce n’est pas encore tout. Nous n’avons envisagé que les environs immédiats. En réalité, ce qui demande encore un peu plus d’effort, c’est la vision simultanée des plans en profondeur. Assis dans l’herbe, je photographiai un jour, à l’impromptu, un ami qui se tenait debout près d’un cyprès sur fond de ciel. Mon ami me suggéra alors d’inverser les rôles en permutant nos situations. Après son déclic je lui demandai : « As-tu surveillé le passage des nuages ? ». La suite prouve – car il ne l’avait pas fait – qu’il avait eu tort.
Soyons juste. Le chasseur d’images professionnel lui-même n’est pas en mesure de toujours tout voir à la fois. Et cela seul suffit déjà pour justifier la pratique « mitraillage ». Dans les situations compliquées, où il ne saurait être question de réaliser la synthèse immédiate des multiples constituants d’une scène où tout change constamment, le plus sage est bien de faire plusieurs clichés de l’élément principal dans ses phases les plus typiques, quitte à choisir après coup sur les contacts l’image qui réalise l’harmonie d’un sujet principal saisi dans son aspect le plus exemplaire et entouré d’éléments dont aucun ne fait fausse note.
*
Voilà ce que, mentalement, je ruminais dans ce jardin un dimanche après-midi, miraculeusement non pluvieux de ce mois de juin 1951. Je pensais à vous tous, amateurs photographes, mes amis, si ardents à rechercher une …ième formule de révélateur grain fin, ou l’appareil universel qui n’existera jamais. Exercez vos yeux à mieux voir, c’est tellement plus utile encore.
Tous les perfectionnements du monde n’atténueront nullement l’effet désastreux d’une composition boiteuse, ou le spectacle affligeant d’un portrait de votre élue dans lequel une branche d’arbre a l’air de lui pousser hors du front. Il est aisé, avec un peu d’oreille, de jouer « Au Clair de la Lune » sur le piano avec un doigt. « La Fantaisie chromatique » de J.S. Bach, c’est sans nul doute beaucoup plus difficile, mais c’est tellement plus beau. Jouer avec un doigt, c’est ce que l’on fait quand on « presse le bouton » sans prêter plus d’attention à tout ce qui viendra se fixer indélébilement sur la si sensible surface de notre négatif. Dépassez la vision mélodique, acquerrez la vision harmonique. Vos œuvres en seront transfigurées.
C’est tout cela que j’aurais expliqué à mon voisin s’il n’avait fait tellement meilleur d’écouter le silence mélodieux des sous-bois. Les chats avaient quitté le jardin pour un lieu plus solitaire, à l’abri des humains et de leurs bizarres entreprises. A ce stade de ma méditation, je trouvai encore la force de ramener sur mes genoux, par un ultime réflexe de professionnel prudent, ma fidèle cassette à images. Epuisé par ce dernier effort, je fermai tout à fait les yeux et sombrai dans le sommeil.
Willy RONIS
Il faut regarder toute sa vie avec des yeux d’enfants. Henri Matissse
- At décembre 26, 2013
- By Françoise
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Henri Matisse, « Il faut regarder toute la vie avec des yeux d’enfants », propos recueillis par Régine Pernoud, Le Courrier de l’U.N.E.S.C.O., vol. VI, n°10, octobre 1953.
Repris par Dominique Fourcade, Henri Matisse. Écrits et propos sur l’art, Hermann, Paris, deuxième édition, 1992, pp. 321-323.
CRÉER, c’est le propre de l’artiste ; – où il n’y a pas de création, l’art n’existe pas. Mais on se tromperait si l’on attribuait ce pouvoir créateur à un don inné. En matière d’art, le créateur authentique n’est pas seulement un être doué, c’est un homme qui a su ordonner en vue de leur fin tout un faisceau d’activités, dont l’œuvre d’art est le résultat. C’est ainsi que pour l’artiste, la création commence à la vision. Voir, c’est déjà une opération créatrice, ce qui exige un effort. Tout ce que nous voyons, dans la vie courante, subit plus ou moins la déformation qu’engendrent les habitudes acquises, et le fait est peut-être plus sensible en une époque comme la nôtre, où cinéma, publicité et magazines nous imposent quotidiennement un flot d’images toutes faites, qui sont un peu, dans l’ordre de la vision, ce qu’est le préjugé dans l’ordre de l’intelligence. L’effort nécessaire pour s’en dégager exige une sorte de courage ; et ce courage est indispensable à l’artiste qui doit voir toutes choses comme s’il les voyait pour la première fois: il faut voir toute la vie comme lorsqu’on était enfant ; et la perte de cette possibilité vous enlève celle de vous exprimer de façon originale, c’est-à-dire personnelle.
Pour prendre un exemple, je pense que rien n’est plus difficile à un vrai peintre que de peindre une rose, parce que, pour le faire, il lui faut d’abord oublier toutes les roses peintes. Aux visiteurs qui venaient me voir à Vence, j’ai souvent posé la question : « Avez-vous vu les acanthes, sur le talus qui borde la route ? » Personne ne les avait vues ; tous auraient reconnu la feuille d’acanthe sur un chapiteau corinthien, mais au naturel le souvenir du chapiteau empêchait de voir l’acanthe. C’est un premier pas vers la création, que de voir chaque chose dans sa vérité, et cela suppose un effort continu.
Créer, c’est exprimer ce que l’on a en soi. Tout effort authentique de création est intérieur. Encore faut-il nourrir son sentiment, ce qui se fait à l’aide des éléments que l’on tire du monde extérieur. Ici intervient le travail, par lequel l’artiste s’incorpore, s’assimile par degrés le monde extérieur, jusqu’à ce que l’objet qu’il dessine soit devenu comme une part de lui-même, jusqu’à ce qu’il l’ait en lui et qu’il puisse le projeter sur la toile comme sa propre création.
Lorsque je peins un portrait, je prends et je reprends mon étude, et c’est chaque fois un nouveau portrait que je fais : non pas le même que je corrige, mais bien un autre portrait que je recommence ; et c’est chaque fois un être différent que je tire d’une même personnalité. Il m’est arrivé, souvent, pour épuiser plus complètement mon étude, de m’inspirer des photographies d’une même personne à des âges différents : le portrait définitif pourra la représenter plus jeune, ou sous un aspect autre que celui qu’elle offre au moment où elle pose, parce que c’est cet aspect qui m’aura paru le plus vrai, le plus révélateur de sa personnalité réelle.
L’œuvre d’art est ainsi l’aboutissement d’un long travail d’élaboration. L’artiste puise autour de lui tout ce qui est capable d’alimenter sa vision intérieure, directement, lorsque l’objet qu’il dessine doit figurer dans sa composition, ou par analogie. Il se met ainsi en état de créer. Il s’enrichit intérieurement de toutes les formes dont il se rend maître, et qu’il ordonnera quelque jour selon un rythme nouveau.
C’est dans l’expression de ce rythme que l’activité de l’artiste sera réellement créatrice ; il lui faudra, pour y parvenir, tendre au dépouillement plutôt qu’à l’accumulation des détails, choisir, par exemple, dans le dessin, entre toutes les combinaisons possibles, la ligne qui se révèlera pleinement expressive, et comme porteuse de vie ; rechercher ces équivalences par lesquelles les données de la nature se trouvent transposées dans le domaine propre de l’art. Dans la Nature morte au magnolia, j’ai rendu par du rouge une table de marbre vert ; ailleurs, il m’a fallu une tache noire pour évoquer le miroitement du soleil sur la mer ; toutes ces transpositions n’étaient nullement l’effet du hasard ou d’on ne sait quelle fantaisie, mais bien l’aboutissement d’une série de recherches, à la suite desquelles ces teintes m’apparaissaient comme nécessaires, étant donné leur rapport avec le reste de la composition, pour rendre l’impression voulue. Les couleurs, les lignes sont des forces, et dans le jeu de ces forces, dans leur équilibre, réside le secret de la création.
Dans la chapelle de Vence, qui est l’aboutissement de mes recherches antérieures, j’ai tenté de réaliser cet équilibre de forces, les bleus, les verts, les jaunes des vitraux composent à l’intérieur une lumière qui n’est à proprement parler aucune des couleurs employées, mais le vivant produit de leur harmonie, de leurs rapports réciproques ; cette couleur-lumière était destinée à jouer sur le champ blanc, brodé de noir, du mur qui fait face aux vitraux, et sur lequel les lignes sont volontairement très espacées. Le contraste me permet de donner à la lumière toute sa valeur de vie, d’en faire l’élément essentiel, celui qui colore, réchauffe, anime au sens propre cet ensemble dans lequel il importe de donner une impression d’espace illimité en dépit de ses dimensions réduites. Dans toute cette chapelle, il n’y a pas une ligne, pas un détail qui ne concourt à donner cette impression.
C’est en ce sens, il me semble, que l’on peut dire que l’art imite la nature: par le caractère de vie que confère à l’œuvre d’art un travail créateur. Alors l’œuvre apparaîtra aussi féconde, et douée de ce même frémissement intérieur, de cette même beauté resplendissante, que possèdent aussi les œuvres de la nature. Il faut un grand amour, capable d’inspirer et de soutenir cet effort continu vers la vérité, cette générosité tout ensemble et ce dépouillement profond qu’implique la genèse de toute œuvre d’art. Mais l’amour n’est-il pas à l’origine de toute création ?
La dictée de Kandinsky
- At décembre 26, 2013
- By Françoise
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Texte de Françoise Monnier, inspiré par la peinture de Kandinsky ainsi que par ses textes théoriques sur la peinture. (Du spirituel dans l’art)
Peindre au fil du texte tout ce qui est énuméré ; vous pouvez bien sûr interpréter à votre guise et ignorer certaines des consignes. Il n’y a que des bonnes réponses !
Peindre :
– Un trait sauvage, une ligne troublée, un chemin confiant qui traverse la page barrant la route à une ligne énergique mais un peu trop énervée… et là-bas, de l’autre côté, une ligne sinueuse qui ne sait plus où elle va mais cela ne l’inquiète pas. Un jaune insouciant éclate et sonne. Sur la frange d’une des surfaces jaunes résonnent en tons plus chauds, plus profonds, des orangés effilochés.Un jaune laiteux se répand, se dilue dans la page (ajouter du blanc).
– Deux surfaces de bleu résistent l’une à l’autre ; l’une montant vers le jaune, offrant un bleu vert joyeux ; l’autre s’enfonçant dans la profondeur du bleu-noir, dans la léthargie du mauve. Un bleu ensommeillé, un bleu rêveur, un bleu vaporeux blanchi qui s’échappe de la feuille.
– Les deux rouges s’installent. Ici, il habite dans le jaune ; là, il s’épanche dans le bleu. Un autre flirte avec le vert.… Petits points de rouge au travers de la feuille, éclatement de rire dans un orangé sonore.
– Le blanc relie les tâches qui s’opposent (blancs colorés, tons rompus). Le gris calme les tensions, se posant sur les blancs du papier, mordant sur les couleurs, se mélangeant à elles.
– Une courbe relie deux surfaces lointaines.
– Un zig-zag ludique vient narguer les équilibres trop statiques.
– Un jaune effervescent s’installe à moitié sur le bleu, à moitié sur la couleur bordant le bleu.
– Un bleu intérieur crée un puits profond au centre du tableau (le centre du tableau, pas le milieu).
– Une ligne amusée joue avec les surfaces, à cheval sur les couleurs. Elle sautille à droite, à gauche, tantôt rieuse, allanguie ou têtue.
– Tels les barreaux d’une échelle, une succession de petits traits affirme une verticale et sort du tableau.
– Le pinceau mouillé de couleur liquide (jus) court à travers l’espace, s’attarde sur une surface, un bout de ligne, une portion de tâche…
– Etc, etc… mais il faut aussi savoir s’arrêter.
Documents sur le stage « découvrir Geneviève Asse »
- At octobre 22, 2013
- By Françoise
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photos du stage d’Octobre: cliquez ICI pour toutes les photos
Voici une video sur Geneviève Asse dans sa maison de l’Ile aux Moines; à voir
Le Musée des Beaux-Arts de Renne propose sur son site un très bon document pédagogique sur Geneviève Asse.
CLIQUEZ ICI pour accéder à ce document